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lorsque déjà l’on crie : « Allons brûler Versailles ! » Louis XV affronte l’avenir, et à tout prix sauve les biens de l’Église. — Louis XVI, sérieux, excellent catholique, très opposé à toute nouveauté, non seulement refusa douze ans l’état civil aux Protestants, non seulement garda et ménagea les biens d’Église, mais se perdit plutôt que de demander au clergé un serment purement politique, qui ne blessait en rien sa foi religieuse.

Telle n’était point la reine. Elle ne fut d’aucun des deux mondes, ni philosophe ni dévote. Elle n’eut de religion que la famille. Malgré sa servitude passionnée de la Polignac qui semblait l’écarter de Vienne, il suffisait d’un mot de sa mère, de son frère, pour réveiller en elle le fond du fond, l’intérêt autrichien.

Les lettres qu’on vient de publier éclairent terriblement la figure de Marie-Thérèse, la part qu’elle a dans le tragique destin de sa fille. Elle la conseille bien comme femme et pour la vie privée, mais elle la corrompt comme reine, exige d’elle tout ce qui doit la perdre. Par sa lourde, pressante et infatigable insistance, ses prières (qui vont jusqu’aux larmes), elle en fait, dans les moments graves, ce que soupçonnait Louis XVI, un funeste agent de l’Autriche. Parfois elle la trompe, lui ment (ment à sa fille !). Souvent elle l’exploite et spécule sur ses grossesses qui lui asserviront le roi. Le détail très honteux en est très authentique.