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fort, il est vrai, à son arrivée. Il fut un peu tardif. Mais dès 71, un an après le mariage, quoiqu’ils fussent encore des enfants, elle était maîtresse de lui. Les ministres étrangers le voyaient, en tiraient augure (Creutz, ap. Geffroy). Duclos dit à l’avènement (en mots très crus que je traduis) : La femme et le lit régneront. »

Louis XVI n’eut rien de la France, ne la soupçonna même pas. De race et par sa mère, il était un pur Allemand, de la molle Saxe des Augustes, obèse et alourdie de sang, charnelle et souvent colérique. Mais, à la différence des Augustes, son honnêteté naturelle, sa dévotion, le rendirent régulier dans ses mœurs, sa vie domestique. En pleine Cour il était solitaire, ne vivant qu’à la chasse, dans les bois de Versailles, à Compiègne ou à Rambouillet. C’est uniquement pour la chasse, pour conserver ses habitudes, qu’il tint les États généraux à Versailles (si près de Paris !).

S’il n’eût vécu ainsi, il serait devenu énorme, comme les Augustes, un monstre de graisse, comme son père le Dauphin, qui dit lui-même, à dix-sept ans, « ne pouvoir traîner la masse de son corps ». Mais ce violent exercice est comme une sorte d’ivresse. Il lui fit une vie de taureau ou de sanglier. Les jours entiers au bois par tous les temps. Le soir, un gros repas où il tombait de sommeil, non d’ivresse, quoi qu’on ait dit. Il n’était nullement crapuleux comme Louis XV. Mais c’était un barbare, un homme tout de chair et de sang. De là sa dépen-