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ÉCLAIRCISSEMENTS

l’Irlande dans la science musicale et qu’on venait s’y perfectionner. Lorsque Pepin fonda l’abbaye de Neville, il y fit venir des musiciens et des choristes écossais (Logan, II, 251). — Giraldus compare la lente modulation des Bretons avec les accents rapides des Irlandais ; selon lui, chez les Welsh chacun fait sa partie ; ceux du Cumberland chantent en parties, en octaves et à l’unisson. — Vers 1000, le Welsh Griffith ap Cynan, ayant été élevé en Irlande, rapporta ses instruments dans son pays, y convoqua les musiciens des deux contrées, et établit vingt-quatre règles pour la réforme de la musique (Powel, Hist. of Cambria).

Lorsque le christianisme se répandit dans l’Écosse et l’Irlande, les prêtres chrétiens adoptèrent leur goût pour la musique. À table, ils se passaient la harpe de main en main (Bède, IV, 24). Au temps de Giraldus Cambrensis, les évêques faisaient toujours porter avec eux une harpe. — Gunn dit dans son Enquiry : Je possède un ancien poème gallique, où le poète, s’adressant à une vieille harpe, lui demande ce qu’est devenu son premier lustre. Elle répond qu’elle a appartenu à un roi d’Irlande et assisté à maint royal banquet ; qu’elle a ensuite été successivement dans la possession de Dargo, fils du druide de Beal, de Gaul, de Fillon, d’Oscar, de O’duine, de Diarmid, d’un médecin, d’un barde, et enfin d’un prêtre qui, dans un coin retiré, méditait sur un livre blanc (Logan, II, 268).

Les bardes, bien qu’attachés à la personne des chefs, étaient eux-mêmes fort respectés. Sir Richard Cristeed, qui fut chargé par Richard II d’initier les quatre rois d’Irlande aux mœurs anglaises, rapporte qu’ils refusèrent de manger parce qu’il avait mis leurs bardes et principaux serviteurs à une table au-dessous de la leur (Logan, 138). — Le joueur de cornemuse, comme celui de harpe, occupait cette charge par droit héréditaire dans la maison du chef ; il avait des terres et un serviteur qui portait son instrument.

Le fameux joueur de cornemuse irlandais des derniers temps, Macdonald, avait serviteurs, chevaux, etc. Un grand seigneur le fait venir un jour pour jouer pendant le dîner. On lui place une table et une chaise dans l’antichambre avec une bouteille de vin et un domestique derrière sa chaise ; la porte de la salle était ouverte. Il s’y présente, et dit en buvant : « À votre santé et à celle de votre compagnie, monsieur… » Puis, jetant de l’argent sur la table, il dit au laquais : « Il y a deux schellings pour la bouteille, et six pences pour toi, mon garçon. » Et il remonta à