le chargea de surveiller la préparation du breuvage. L’aveugle Morda fut chargé de faire bouillir la liqueur sans interruption pendant un an et un jour.
Durant l’opération, Ked ou Ceridguen étudiait les livres astronomiques et observait les astres. L’année allait expirer, lorsque de la liqueur bouillonnante s’échappèrent trois gouttes qui tombèrent sur le doigt du petit Gouyon ; se sentant brûlé, il porta le doigt à sa bouche… Aussitôt l’avenir se découvrit à lui ; il vit qu’il avait à redouter les embûches de Ceridguen, et prit la fuite. À l’exception de ces trois gouttes, toute la liqueur était empoisonnée : le vase se renversa de lui-même et se brisa… Cependant Ceridguen furieuse poursuivait le petit Gouyon. Gouyon, pour fuir plus vite, se change en lièvre. Ceridguen devient levrette et le chasse vigoureusement jusqu’au bord d’une rivière. Le petit Gouyon prend la forme d’un poisson ; Ceridguen devient loutre et le serre de si près, qu’il est forcé de se métamorphoser en oiseau et de s’enfuir à tire-d’aile. Mais Ceridguen planait déjà au-dessus de sa tête sous la forme d’un épervier… Gouyon, tout tremblant, se laissa tomber sur un tas de froment, et se changea en grain de blé ; Ceridguen se changea en poule noire, et avala le pauvre Gouyon.
Aussitôt elle devint enceinte, et Hu-Ar-Bras jura de mettre à mort l’enfant qui en naîtrait ; mais au bout de neuf mois elle mit au monde un si bel enfant qu’elle ne put se résoudre à le faire périr.
Hu-Ar-Bras lui conseilla de le mettre dans un berceau couvert de peau et de le lancer à la mer. Ceridguen l’abandonna donc aux flots le 29 avril.
En ce temps-là, Gouydno avait près du rivage un réservoir qui donnait chaque année, le soir du 1er mai, pour cent livres de poisson. Gouydno n’avait qu’un fils, nommé Elfin, le plus malheureux des hommes, à qui rien n’avait jamais réussi ; son père le croyait né à une heure fatale. Les conseillers de Gouydno l’engagèrent à confier à son fils l’épuisement du réservoir.
Elfin n’y trouva rien ; et comme il revenait tristement, il aperçut un berceau couvert d’une peau, arrêté sur l’écluse… Un des gardiens souleva cette peau, et s’écria en se tournant vers Elfin : « Regarde, Thaliessin ! quel front radieux ! » — « Front radieux sera son nom, » répondit Elfin. Il prit l’enfant et le plaça sur son cheval. Tout à coup l’enfant entonna un poème de consolation et d’éloge pour Elfin, et lui prophétisa sa renommée. On apporta l’enfant à Gouydno. Gouydno demanda si c’était un