Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 1.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xviii
HISTOIRE DE FRANCE

Celui-ci aborda la morte chose avec un sens humain, ayant le très grand avantage de n’avoir pas passé par le prêtre, les lourdes formules qui enterrèrent le moyen âge. L’incantation d’un rituel fini, n’aurait rien fait. Tout serait resté froide cendre. Et d’autre part si l’histoire fût venue dans sa sévérité critique, dans l’absolue justice, je ne sais si ces morts auraient osé revivre. Ils se seraient plutôt cachés dans leurs tombeaux.

J’avais une belle maladie qui assombrit ma jeunesse, mais bien propre à l’historien. J’aimais la mort. J’avais vécu neuf ans à la porte du Père-Lachaise, alors ma seule promenade. Puis j’habitai vers la Bièvre, au milieu de grands jardins de couvents, autres sépulcres. Je menais une vie que le monde aurait pu dire enterrée, n’ayant de société que celle du passé, et pour amis les peuples ensevelis. Refaisant leur légende, je réveillais en eux mille choses évanouies. Certains chants de nourrice dont j’avais le secret, étaient d’un effet sûr. A l’accent ils croyaient que j’étais un des leurs. Le don que saint Louis demanda et n’obtint pas, je l’eus : « le don des larmes ».

Don puissant, très fécond. Tous ceux que j’ai pleurés, peuples et dieux, revivaient. Cette magie naïve avait une efficacité d’évocation presque