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PRÉFACE DE 1869

libre du monde, ayant eu le rare avantage de ne pas subir la funeste éducation qui surprend les âmes avant l’âge, et d’abord les chloroformise. L’Église était pour moi un monde étranger, de curiosité pure, comme eût été la lune. Ce que je savais le mieux de cet astre pâli, c’est que ses jours étaient comptés, qu’il avait peu à vivre. Mais qui succéderait ? C’était la question. Elle était embrouillée du choléra moral qui suivit de si près Juillet, le désillusionnement, la perte des hautes espérances. On se rua en bas. Le roman, le théâtre éclatèrent en laideurs hardies. Le talent abondait, mais la brutalité grossière ; non pas l’orgie féconde des vieux cultes de la nature qui ont eu sa grandeur, mais un emportement voulu de matérialité stérile. Beaucoup d’enflure, et peu dessous.


Le texte originaire qui précéda Juillet avait été Honneur à l’Industrie, nouvelle reine du monde, qui dompte, subjugue la matière. — Après Juillet, cela fut retourné : la matière, à son tour, subjugua l’énergie humaine.

Ce dernier fait n’est pas rare dans l’histoire. Rien de plus vieux que cette idée du droit de la matière qui veut avoir son tour. Mais ce qui la rendait cho-