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PRÉFACE DE 1869

lustre M. Mill dit fort bien : « Pour se dispenser de l’étude des influences morales et sociales, ce serait un moyen trop aisé que d’attribuer les différences de caractère, de conduite, à des différences naturelles indestructibles[1]. »

Contre ceux qui poursuivent cet élément de race et l’exagèrent aux temps modernes, je dégageai de l’histoire elle-même un fait moral énorme et trop peu remarqué. C’est le puissant travail de soi sur soi, où la France, par son progrès propre, va transformant tous ses éléments bruts. De l’élément romain municipal, des tribus allemandes, du clan celtique, annulés, disparus, nous avons tiré à la longue des résultats tout autres, et contraires même, en grande partie, à tout ce qui les précéda.

La vie a sur elle-même une action de personnel enfantement, qui, de matériaux préexistants, nous crée des choses absolument nouvelles. Du pain, des fruits, que j’ai mangés, je fais du sang rouge

  1. C’est le point principal sur lequel je diffère de mon savant ami, M. Henri Martin. Du reste, ce dissentiment ne diminue en rien mon estime sympathique pour sa grande et très belle Histoire, si instructive, si riche de recherches et d’idées. Il a été infiniment utile pour raviver la tradition nationale, trop effacée, que deux histoires qui s’aident, se suppléent l’une l’autre, aient paru simultanément.