notre monnaie, et la plus grossière chaussure vingt-deux francs, ne devait-il pas être tenté de réclamer sans cesse de nouveaux adoucissements à sa misère et de faire des révolutions pour les obtenir ? On a beaucoup déclamé contre la violence et l’avidité des soldats, qui, pour augmenter leur solde, faisaient et défaisaient les empereurs. On a accusé les exactions cruelles de Sévère, de Caracalla, des princes qui épuisaient le pays au profit du soldat. Mais a-t-on songé au prix excessif de tous les objets qu’il était obligé d’acheter sur une solde bien modique ? Les légionnaires révoltés disent dans Tacite : « On estime à dix as par jour notre sang et notre vie. C’est là-dessus qu’il faut avoir des habits, des armes, des tentes ; qu’il faut payer les congés qu’on obtient, et se racheter de la barbarie du centurion, etc.[1] »
Ce fut bien pis encore lorsque Dioclétien eut créé une autre armée, celle des fonctionnaires civils. Jusqu’à lui il existait un pouvoir militaire, un pouvoir judiciaire, trop souvent confondus. Il créa, ou du moins compléta le pouvoir administratif. Cette institution si nécessaire n’en fut pas moins à sa naissance une charge intolérable pour l’Empire déjà ruiné. La société antique, bien différente de la nôtre, ne renouvelait pas incessamment la richesse par l’industrie. Consommant toujours et ne produisant plus, depuis que les générations industrieuses avaient été détruites par l’esclavage, elle demandait toujours davantage à la
- ↑ Tacite. — L’empereur finit par être obligé d’habiller et nourrir le soldat. (Lampride.)