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MON JOURNAL.


che ; il est naturel que je ne cherche pas l’expression la plus faible. Or l’expression forte — ou désirée telle — a toujours quelque chose de cassant. Ensuite, dès qu’il y a deux personnes, l’opposition surgit, et l’impatience, mon défaut naturel, m’emporte sur-le-champ hors des limites de la modération que gardent les bons esprits désireux de s’éclairer. Je donne des leçons à des enfants, ce qui rend impérieux et opiniâtre. Mais une fois rentré à la maison, ne parlant, le plus souvent, qu’à des personnes qui n’en savent pas aussi long que moi, j’ai peu d’occasions d’être contredit. Dès lors, je suis calme.

Grand merci de la similitude avec La Rochefoucauld ; tu l’as probablement oublié puisque tu lui compares le journal d’un débutant. Ces observations rapides faites sur une âme ordinaire ont peu de rapport avec un système entier comme celui des Maximes.

Tu crois, à tort, que je fais beaucoup de courses et de visites dans Paris. Je vois tous les mois mes anciens maîtres, MM. Andrieux, Carré, Leclerc ; quelquefois M. Villemain ; tous les dix jours ou à peu près, je vais chez Poret, et voilà tout [1].

  1. Poinsot avait pourtant raison. Michelet commençait à être connu et recherché par les familles étrangères qui venaient en France pour l’éducation de leurs enfants. C’était un champ d’observation dont il faisait son profit. Nous y reviendrons.
    Mme J. M.