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MON JOURNAL.


mêler qu’il n’y avait pas seulement de l'intérêt pour elle, dans la peine que me faisait ce changement, mais plutôt un chagrin vaniteux de la voir s’écarter de mes opinions. « Tu te fais centre, encore si c'était ligne !... » J'ai longuement réfléchi, et je crois que j'ai été un sot de lui conseiller d’examiner. Ce n’est pas à son âge qu’une femme peu habituée à raisonner sur de pareilles matières trouverait profit à faire des recherches difficiles. Ce labeur fatigant, la dégoûterait et la rejetterait peut-être dans une indifférence fort triste pour une âme qui approche du terme de l’existence. La religion naturelle ne lui présentant ni spectacles qui émeuvent, ni pratiques fixes pour la nourrir à des heures marquées, la toucherait peu et lui échapperait bientôt.

Qu’elle repose donc dans la croyance dont sa jeunesse a été préoccupée ! Avec quelque attention à la distraire des dogmes sombres et effrayants, elle y trouvera sa consolation dans les chagrins, un secours dans les inquiétudes de la vieillesse, enfin, aux derniers moments, assistance et espérance. N’importe, je sens d’autant plus vivement, en pensée d’elle, la nécessité d’un livre qui serait la nourriture habituelle d’une âme souffrante comme l’est restée la sienne.

Je suis toujours surpris que, dans cet ordre d’idées, on n’ait encore rien tiré des philosophes