Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée
38
MON JOURNAL.

....... Après les journées. — Au milieu des convulsions politiques que nous traversons, elle serait bien forte l'âme qui conserverait la paix, qui vivrait au dedans de soi. On est sans cesse arraché à la réflexion par des spectacles bruyants et menaçants pour l’avenir. Le peuple si peu préparé est un terrible auxiliaire. Le sort de la France ne peut que s’améliorer, mais la guerre civile est le passage Quelle gloire pour la jeunesse française si, seule, elle faisait cette sublime révolution ! J’entends par ces mots tous les soldats de la ligne[1]. Tout se ferait sans intérêt privé,

    anxiété les débats tumultueux de la Chambre où se décidait le sort de la dernière de nos libertés. Le peuple ne s’était pas encore mêlé à cette démonstration pacifique qui consistait à acclamer énergiquement les courageux défenseurs des droits du pays. Le seul cri était : Vive la Charte. Celte modération même contrariait les ultra-royalistes. Il leur fallait le désordre pour autoriser une répression sanglante. Trompés dans leur attente, ils perdirent patience et se firent provocateurs. La première scène de violence eut lieu le 2. Elle se renouvela le 3 et fut sanglante. Ce lundi dont parle Michelet, la Chambre tenait séance. Dès midi, la foule se porta au palais Bourbon. Le cri de mutuel défi était d’un côté ; Vive la Charte, de l’autre : Vive le Roi. Rien ne faisait présager une lutte sérieuse. A trois heures la cavalerie arrive, refoule les masses de Vautre côté du pont pour empêcher les ovations que l’on veut faire aux députés libéraux. C’est alors que le premier cri de la Révolution est jeté : Aux faubourgs !... Mille personnes s’élancent dans la direction du faubourg Saint Antoine, d’autres les suivent. Ce sont les voix qu’on entendait de la rue de la Roquette,

  1. Les soldats de la ligne, étaient surtout les enfants de la petite bourgeoisie, d’autant plus attachés au triomphe des idées libérales, qu’ils avaient eu à souffrir cruellement des hommes qui briguaient le retour au pouvoir. Mme J. M.