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MON JOURNAL.

donner une application suivie à la philosophie. Si je voulais continuer à te contredire, je répondrais que cela peut être, si l’on veut la bien savoir ; mais que la connaissance de la philosophie même, n’étant pas ce qu’il y a de plus utile dans les écrits des philosophes, mais plutôt l’esprit philosophique, à nous devons les lire comme une nourriture, un exercice journalier. Dès lors, l’application suivie n’est pas si nécessaire. Au reste, il y a aussi de fortes raisons pour ton avis. Je n’y vois plus clair, à demain !

La chaleur de ta seconde lettre m’a bien touché. Je n’y répliquerai point. L’uniformité de nos sentiments nous ramènera certainement souvent sur ce sujet. Une chose qui nous en écarte et qui m’attriste autant que la distance matérielle qui nous sépare, c’est la diversité des carrières que nous suivons. Cette diversité semble devoir nous tenir, pour des années, dans un univers tout à fait différent. C’est là ce qui me fait jeter un regard plein d’envie et de regret sur les sciences naturelles ; nous nous entendrions parfaitement si, seulement, j’étais aussi instruit dans ce que tu sais que tu l’es dans les choses que j’apprends. Mais comment interrompre des études immenses pour lesquelles la vie est déjà trop courte ?

J’ai bien des fois examiné ces deux routes. Ce qui m’apparait surtout, en songeant à celle que tu