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MON JOURNAL.
MICHELET A POINSOT.
Jeudi 25 mai, 7 heures 1/2 du soir.

Mon cher ami, je commence trop tard pour répondre à ta seconde lettre ; je te parlerai donc seulement de la première et j’oublierai jusqu’à demain que j’ai reçu l’autre. Une chose me frappe, c’est que tu trouves ta lettre longue et monotone, comme si rien pouvait être fastidieux de ce qui regarde mon ami ! De même, tu me dis dans la seconde, qu’elle est lourde et insignifiante. Eh ! tout n’est-il pas bon entre nous ? Si je te connaissais moins, je prendrais cela pour une ruse d’amour-propre d’auteur.

Tu me parles de Condillac et du temps que tu mets à le lire ; n’en mettrais-tu pas trop ? Il faut lire un peu vite pour bien lire, sauf à revenir ensuite. Dans une lecture trop lente, la liaison des idées échappe, et dans les ouvrages des grands écrivains, les vérités découvertes ne sont quelquefois pas plus utiles en elles-mêmes que ne l’est, pour qui la suit bien, la liaison des idées.

Ce dernier mérite est particulièrement celui du Traité des sensations. Tu crois ensuite qu’il faut