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MON JOURNAL.


PREMIÈRE LETTRE DE MICHELET A POINSOT.


Dimanche de Pentecôte.
Tout seul dans ton cabinet[1], 3 heures.


Mon cher ami,


Au moment où je te quitte, je trouve délicieux de commencer la lettre que je n’ai pas voulu te promettre. Tu sais combien peu j’aime à me contraindre. C’eût été diminuer le plaisir de t’écrire que de s’engager à le faire. Notre adieu, qui revient toujours, me fait mieux apprécier ce projet d’une correspondance active. La vie est courte. La mienne le sera, peut-être, plus que celle d’un autre. Je saisis donc tous les moments où je puis profiter de notre amitié.

Affranchi de l’amour des femmes et le redoutant, trop faible pour m’élever jusqu’à l’amour de Dieu, celui de l’humanité et ta pensée, voilà ce

  1. Poinsot avait occupé deux ans, chez son ami, rue de la Roquette, la chambre qui fut longtemps la bibliothèque de Sedaine. Voir Ma Jeunesse, page 379.