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XXIII
PRÉFACE.

équitable où la postérité rendra sur lui son jugement définitif.

C’est à cette heure que je pense, quand je recueille, avec un soin religieux, tout ce qui peut rendre sa résurrection plus complète[1]. Cela importe, car, si nos hommes de génie ont, pour la plupart, exercé une action bienfaisante pendant leur vie, combien plus, après leur mort, « quand les temps sont venus ! »

Une fois ressuscités, c’est pour toujours ! — N’y a-t-il pas plus de deux mille ans que l’humanité s’occupe des grands morts de l’antiquité ? Elle s’en occupe, elle en parle, elle les discute ou les interroge, comme s’ils allaient se présenter pour lui répondre et prendre leur part de l’entretien commencé.

Oui, c’est le privilège de ces immortels conducteurs de l’humanité, de rester à jamais les contemporains de tous les âges. Chaque siècle, selon ses besoins, les interprète à sa manière ; chaque génération qui vient, reprend, avide, le travail investigateur

  1. Mon troisième volume donnera les années de l’École normale avec quelques conférences qui témoignent de la haute valeur et de la fécondité de cet enseignement.