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JOURNAL


celles du christianisme. Nous n’étions ni assez philosophes ni assez savants. Après bien des tâtonnements sans atteindre le but, ce projet avorta comme l’autre, mais nous avions fait en un sens bien du chemin.

En Août je résolus de traiter le sujet proposé par l’Académie. La morale occupait trop alors toutes mes idées. Au lieu de ne faire que ce qui était demandé, c’est-à-dire une déclamation un peu propre, j’allai creuser dans Platon, dans Aristote, dans Rousseau, et j’arrivai à une idée fausse, celle de faire sortir nécessairement tous les talents de l’orateur de ses vertus. Je m’épuisai à tracer deux ou trois esquisses, et j’en restai là.

Septembre ! Quelle voluptueuse jouissance ! Le travail toujours, mais dans la liberté. Je me vois encore plongé dans Sophocle, jetant des noies pressées sur la philosophie grecque. Ma pensée s’ouvrant d’autres horizons, je projetai un livre que je pourrais bien faire : Caractère des peuples trouvé dans leur vocabulaire. Ce travail sur les langues me conduisit à me demander pourquoi la nôtre n’était plus poétique ? Je me proposais de traiter cette question aussitôt que je serais quitte de la correction de mes thèses. Je n’avais pas lu encore le Paria. (Ceci a été écrit en 1822.)