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MON JOURNAL.


nues chères ! Je puis dire, que j’ai fait amitié avec la mort. En retour, elle m’a livré les mystères de la tombe. Il a suffi de l’interroger d’un cœur compatissant. Je pourrais donc, réellement, faire ce livre, non comme témoin et narrateur, mais, nouveau Lazare, en ressuscité du tombeau. Je suis tant de fois mort par la douleur !

Donc, comme mon pauvre Poinsot, on m’aurait enterré en février, et je serais dans la période intermédiaire où l’âme, ayant de la peine à quitter ce monde, erre autour de sa sépulture. Point de pierre sur ma tombe, rien que la terre, ce qui faciliterait les communications avec les morts de mon voisinage.

La première fois que je serais tiré de mon sommeil, mon premier soin serait de chercher à reconnaître mon nouveau gîte, non sans effroi. Obligé d’y rester pendant le jour, chaque soir, à l’heure où le cimetière est redevenu désert, où les vivants s’endorment, moi, je m’échapperais de mon funèbre domicile, pour revenir sur la terre respirer un peu plus à Taise et regarder autour de moi. Celte première fois, je n’entendrais que des bruits légers, aucune parole. L’aube viendrait me surprendre, je me recoucherais comme tout bon mort doit faire, — mais non sans mélancolie, — dans ma noire et gênante prison.

Les nuits suivantes, pluie ou brouillard : rien