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MON JOURNAL.

Ensuite, je m’achèterais des livres, non seulement comme des outils pour le travail, mais encore pour me faire une société. Je les aurais autour de moi, comme autant d’amis qui répondraient à mes pensées, à mes questions. Nous ne serions pas toujours d’accord ; il y aurait discussion, contradiction même, mais jamais avec aigreur, comme il arrive trop souvent dans les disputes entre hommes. On met son amour-propre à avoir le dernier mot et l’intérêt de la cause est sacrifié à celui de la vanité.

Juillet 25. — Fin des classes. — Je me sens bien heureux d’être quitte de la vie abstraite que j’ai menée cette année, et de pouvoir causer avec moi-même. C’est un sommeil, une mort qu’une existence où on n’a jamais le temps de jeter en arrière un regard sur soi.

En m’examinant après ce long intervalle, je ne me sens pas amélioré. C’est toujours cette même langueur d’âme, cette conduite flottante. Je parle toujours de vertu avec enthousiasme, avec attendrissement ; je lis Marc-Aurèle et je suis faible et vicieux.

Tâchons donc d’avoir une assiette plus fixe, de prendre quelques fermes résolutions et de les suivre : 1° retranchons des paroles tout ce qui est personnel. Parler des passions, c’est les nourrir. Ne donnons rien non plus, dans nos discours, à la