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MON JOURNAL.


bâille ou se fâche injustement à tort et à travers, comme il arrive chez ce pauvre T... qui n’a pas môme son cabinet à lui, pour s’y réfugier et se faire un peu de silence, Rien de plus triste. Une femme désœuvrée ou mal occupée, ce qui revient à peu près au même, est un véritable fléau pour le travailleur. Je ne saurais seul ordonner ma maison, la parer, mais je sens très bien que l'ordre, l’harmonie dans l’ameublement est, comme dans la toilette, une des puissances de la femme pour enserrer l’homme, assurer sa fidélité.

Combien on doit se déraciner plus aisément d’un amour qui n’a pas ses harmonies !

Juillet 24. — Ma vie coule, toujours la même. Du matin au soir j’enseigne, je lis, j’étudie, je creuse, je fais des extraits comme provisions d’avenir. Quand on est pauvre, on n’a que peu de livres à soi. Les plus nécessaires sont préciseraient ceux qui vous manquent.

Chacun désire gagner de l’argent, et chacun, à sa manière, rêve à l’emploi qu’il en ferait. Moi, si j’en avais, je m’achèterais d’abord une grande belle table où j’étalerais mes papiers afin de tout saisir d’un coup d’œil, ce qui est une grande économie de temps. Sur une petite table tout s’entasse, et, le papier dont on a besoin, est presque toujours celui qu’on trouve le dernier.