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MON JOURNAL.


dément triste ! Que faire ? Elles l'ont voulu. « Je voyais bien qu’il était exaspéré. Mais de quoi ? Sans doute de quelque moquerie cruelle. Le rire d’une femme peut faire de si vives blessures ! Elles ont aussi des mots terribles, qui percent l’acier. ... Il a repris : « Vous me parlez toujours de l’amour comme d’une chose supérieure, et de la femme comme d’une poésie ; mais l’amour, c’est une guerre. Mais la femme, c’est le dragon sifflant !... Elles ont le tact de se faire détester ! — Pas toutes, essayai-je doucement. — Si, si, toutes ! toutes ! Aussi nulle pitié ! c’est comme à la chasse. Elles enseignent à rire du destin ! Nul ne se souvient que, selon votre mot, c’est pour elles la vie ou la mort. » Je voulus l’arrêter là-dessus ; il n’y avait pas moyen, c’était un torrent débordé. « Rappelez-vous donc votre sœur, rappelez-vous Célestine, lui dis-je, alors, en appuyant fortement ma main sur son épaule. Vous traitiez cela de bagatelle, et vous ne pouviez croire que les railleries d’une femme, ou plutôt sa risée, pût glacer le cœur pour toujours. J’ai pardonné pourtant. Faites de même. L’amour haineux est un mauvais hôte. Sans que vous me disiez votre histoire, je la devine. Il fallait mieux choisir, voilà tout. » M’interrompant sur ce conseil, il a repris avec un bouillonnement de colère, car il est très sanguin : « Vous en parlez à votre aise ! Si elles ne