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MON JOURNAL.

10 mai. — Grande tristesse dans la maison depuis huit jours. Les infirmités de l’âge avancé et la maladie ont élu chez nous domicile. Mme Hortense décline rapidement.

Sa vieille pensionnaire et celle de Mlle Rousseau arrivent à un état d’inconscience fort douloureux à voir. Ce sont des âmes qui se déforment, dont les rares réveils, ne sont plus que les derniers battements d’ailes de la pensée, les dernières lueurs d’une intelligence qui s’éteint. Que Dieu nous garde de mourir trop vieux !

Il serait plus sage, dans l’état de santé où est Mme Hortense, de les rendre à leurs familles. Chacun y pense et personne n’a le courage de le faire. On peut prédire, qu’elles ne nous quitteraient que pour tomber dans des mains mercenaires.

Et je vois encore à l’œuvre, les gardiennes des folles de la pension Duchemin. Celles-ci ne sont qu’idiotes et plus faciles à soigner ; mais elles sont, en un sens, plus gênantes. Soyons donc humains ; ayons pour elles la pitié qu’on a pour l’enfant. Malgré l’embarras qu’elles donnent à ces dames, et le dérangement quotidien que j’en éprouve, je suis le premier à leur conseiller de les garder jusqu’au bout.

Juin 4. — La brutalité est une laideur chez la