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MON JOURNAL.

Mon ours me conte que son père dit lui avoir trouvé une riche héritière ; cent mille francs de dot ! Nous avons bien ri. Puis, nous avons raisonné sur ce grave sujet : le mariage. Pour mon compte, je ne comprends que deux femmes : celle qu’on peut associer à ses pensées, peut-être même à ses travaux ; ou bien, la modeste ménagère qui, le jour, gouverne sans bruit son petit royaume. Le soir, je la vois assise près de la table de travail. Elle file. A deux pas, le berceau qu’elle endort au doux ronflement de son rouet.

30 mars. — Rien de plus énervant qu’une suppléance où il faut toujours avoir affaire à de nouveaux élèves. A chaque instant M. Basset (le proviseur) m’appelle pour une classe différente. L’un est à la campagne, l’autre est malade. Celui-là se marie, quand ce n’est pas sa femme qu’il enterre.

Les méchants élèves profitent de ces changements pour se livrer à des manifestations bruyantes.

J’ai dû prier le censeur d’assister une fois, invisible, à la classe pour qu’il vît bien par lui-même, qu’avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de se rendre maître de ces. cancres, autrement que par une répression sévère. Ce soir, toute la classe a été mise par lui en retenue ; ainsi les bons payent pour les coupables. Rien n’endurcit plus le cœur.