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MON JOURNAL.


première rencontre, en gamin comme lui, en camarade, pour ainsi dire en homme, sans aucun ménagement. Beaucoup ne voudraient pas être traitées autrement, dira-t-on. Celles qui sentent ainsi, — cette fâcheuse erreur de la nature peut se rencontrer, — n’en sont pas moins femmes, au sens littéral et tragique du mot. Il faut donc les traiter comme telles.

Revenons à mon jeune homme. Que gagnet-il pour l’avenir à cette déplorable habitude de sans-gêne ? Il y gagne, — et ce sera votre punition. Madame, — de ne pas savoir, près d’une femme honnête, ni se tenir, ni lui parler. Il n’y a plus entre eux de langue commune. Qu’il se marie et soit obligé de se contraindre, je le vois bientôt bâiller d’ennui, ne chercher qu’un prétexte pour rompre le tête-à-tête, prendre son chapeau et partir. Le plus triste et le pis, c’est que plus tard, il ne saura pas même comment on respecte dans une femme la mère de ses enfants.


15 mars. — Poret me réclame les cahiers de Laromiguière, dont l’École a besoin. En les lisant, j’ai été charmé, mais c’est comme dans un beau repas où l’on vous offre d’abord les pâtisseries. L’estomac proteste, et les yeux cherchent sur la table la pièce de résistance qui donnera, avant les douceurs, l’aliment solide et nourrissant.