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MON JOURNAL.


attire ; elle seule a l'aimanatation[1]. Supprimez cela, vous supprimez l'amour même....

Que de choses à dire là-dessus, touchées à peine. Il suffirait d’éveiller une inquiétude salutaire. La première jeunesse est ardente, mais elle est sèche. Le cœur ne s’attendrit chez l’homme que plus tard. Sans le sensibiliser à l’excès, je voudrais qu’il fût du moins un peu de la partie, c’est-à-dire, qu’il devint impossible au jeune homme d’approcher une femme sans que cette pensée moralisante lui vint : « Celle qui me cède et me donne l’infini du plaisir, me remet à ce moment, plus que sa destinée, — sa vie même. » L’amour pour la femme, par le seul fait de la maternité est frère de la mort. Que de fois cela m’est revenu depuis que ma marraine m’a raconté le malheur de sa fille !

C’est à la femme, à la mère qu’il appartient d’être la providence des autres femmes. Toutes devraient dire un mot de cette chose délicate à leur fils, au point de départ dans la vie. Un seul mot, comme elles savent les trouver quand elles veulent. Pour beaucoup, cet avertissement suffirait. Mais elles préfèrent tout abandonner au hasard. Il part donc ce fils, presque un enfant encore, ignorant l’essentiel ou le sachant mal, je veux dire, brutalement, cyniquement initié par ses aînés. Qu’en résulte-t-il ? C’est qu’il traite la jeune fille de sa

  1. Belle pensée de Poinsot.