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MON JOURNAL.


Et, non seulement pour celle qui grandit doucement sous votre aile, mais pour l’éducateur lui-même. Ce serait un exercice quotidien de moralité. Je sais bien, que la petite fille devenant femme, les sentiments de paternité pourraient insensiblement changer de nature et qu’on serait exposé à tomber amoureux de sa fille adoptive.

Si la différence d’âge n’était pas trop grande, s’il y avait similitude de goûts et d’humeur, rien n’empêcherait un mariage. Dans le cas contraire, ce serait une bonne occasion de faire effort pour surmonter sa passion, reprendre son rôle de père, doter sa fille et la marier.

Je ferai peut-être un petit roman où je mettrai tout ce que j’ai en pensée sur ce sujet délicat. Si ce livre était lu par ceux qui entrent dans la vie, il pourrait leur donner plus d’une leçon utile. Je n’ai pas la prétention d’être meilleur qu’un autre ; ce qui me différencie pourtant de mes camarades, c’est l’émotion de pitié que je ressens pour les femmes qu’ils ont à leur usage et qu’ils traitent avec tant de légèreté. L’abstinence absolue est chose impossible ; à noire âge, les passions nous dominent ; leurs exigences sont tyranniques. Tel qui se vante de pouvoir supprimer les sens, ^ gagne, à cette prétention ridicule, de tomber à la bête pour avoir voulu trop faire l’ange. Je sais