Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/304

Cette page n’a pas encore été corrigée
262
MON JOURNAL.


qui, elle, ne se charge pas d’amuser l’imagination, mais d’instruire le présent par le passé.

Dans un autre ordre d’idées, j’ai rejeté avec dégoût un livre coupable : la Pucelle de Voltaire. Voilà comment un homme, par une boutade, une étourderie à la française, a tout compromis. Cela ne lui sera jamais pardonné.


1er mars. — Rencontré ce matin Héloïse. Elle prend le même chemin que Sophie Plateau. Malgré les travaux, les soucis de tant de sortes qui m’accablent, cette image de douleur a vivement réveillé le besoin que j’ai toujours eu d’une adoption. Qui dit adoption^ dit éducation, protection. Sans les misères d’une enfance à peu près abandonnée, elle n’en fût pas venue là. Dix-sept ans et déjà phtisique ! La chute des feuilles l’emportera. Cette terrible maladie qui fait tant de victimes parmi les jeunes, n’est chez elle, on le voit, qu’un accident. Une meilleure nourriture, plus de chaleur l’hiver, une robe de laine au lieu de la sèche robe d’indienne que transperce le vent glacé ; de bons souliers à semelles épaisses, les jours de pluie, et ce serait aujourd’hui, non pas une mourante, mais une vaillante fille, pleine de vie et d’entrain.

A part le bien matériel qu’on peut faire à une enfant par l’adoption, il y a aussi le bien moral.