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MON JOURNAL.


gner la philosophie que l’histoire. Celle-ci, pour être vue d’ensemble, avant d’entrer dans le détail, demanderait de bons tableaux chronologiques. C’est un travail auquel je vais m’essayer dans mes courts moments de répit. N’y donnerais-je qu’une heure par jour, je ferais encore une bonne besogne. J’ai remarqué, bien des fois, tout ce qu’on obtient de l’assiduité. Un peu chaque, jour, — n’est-ce pas ainsi que s’est fait le monde ?

Dimanche 20, — Monté au Père-Lachaise. Les feuilles s’en vont et les morts viennent. La terre les reprend dans son sein maternel. Sous le brouillard qui s’abaisse, le cimetière se remplit de silence. Les oiseaux qui nichent l’été sous les tombes, je pense au rossignol, sont partis depuis longtemps. Les dernières roses du Bengale, saisies par le froid de la nuit, s’effeuillent. Tout s’assoupit, « Dormez, dormez, chers morts ! Laissez-nous les peines et le fardeau de la vie. Dormez dans la paix. »

Mercredi 14 décembre. — La santé de Mme Hortense commence à me donner de l’inquiétude. Elle a dû renoncer à ses habitudes matinales. Il lui a fallu céder à Mlle Rousseau une part de la surveillance qu’elle avait tenu à exercer seule jusqu’ici. A part la perte matérielle, je ne pense jamais sans effroi à ce que nous deviendrions, mon