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MON JOURNAL.


mais il est du dix-huitième. Il a quelquefois de l'esprit dans le tour de la phrase, jamais de l’éloquence. Rien de plus lent. Il n’a que de l'esprit et il ouvre toujours une grande bouche. Il y a souvent le ton d’une coterie.

Ce ton est partout bénin ; il ne semble voir que des extérieurs d’hommes. C’est un phénomène curieux à observer qu’un Français qui a été dans les affaires et dans la Révolution et qui n’est encore qu’un académicien.


Samedi 22. — Poret est venu m’annoncer qu’il était le premier.

En m’examinant, je crois démêler que cette nouvelle m’a fait éprouver à la fois joie et tristesse, mais nulle envie. Pour lui, il avait l’air plutôt embarrassé de m’apprendre ma défaite. Soyons vrai’ et sincère : ma gaieté, pendant dix minutes a été forcée ; mais au bout de ce temps, elle est redevenue naturelle, ce qui nous a mis l’un et l’autre tout à fait à notre aise.

Ce premier échec était déjà une bonne leçon pour mon amour-propre, mes ambitions exagérées. Mais ce n’était pas assez. Poret parti, je me frappe de l’idée que je ne serai pas le second, que j’aurai Daveluy avant moi. Cette idée me poursuit toute la soirée. Ce matin, elle devient certitude.

Aussi, quand M. Leclerc m’a appris tout à