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MON JOURNAL.


Si la cour est acceptée, elle se fera devant témoins. Donc, ils ne sauront rien de leurs goûts, de leur caractère, du fond vrai dé leur nature. Ils ne donneront que la surface, en prenant soin réciproquement de l’embellir. En attendant que le dessous se révèle, une chose, inévitablement, se produit. La contrainte qu’on exige des fiancés, en les tenant si près l’un de l’autre, éveille le désir. C’est bien là ce qu’ont prévu les deux familles assez machiavéliques en tout ceci.

« Qu’on ne s’avise pas alors d’avertir, de prêcher.... Trop tard ! trop tard ! cher père et chère mère.... Si vous vouliez être écoutes, il fallait parler plus tôt. Maintenant, la destinée sera ce qu’elle pourra. Les marier au plus vite, c’est tout ce qu’ils vous demandent.

« Voilà, chère tante, comment les choses m’apparaissent, et je crois être dans le vrai. Convenez avec moi, que cela n’est pas fait pour encourager. Il faut se voir vivre, pour ainsi dire à l’insu l’un de l’autre, ou, sans arrière-pensée, pour se bien connaître. Alors on se donne tel qu’on est. Voyager ensemble, serait bon aussi. Les voyages sont pleins d’imprévus, souvent désagréables, qui vous surprennent à l’improviste, et font saillir au dehors, les qualités et les défauts. Mais on n’a pas toujours les moyens matériels de faire ce genre d’expérience. En ce qui me concerne, le temps me