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MON JOURNAL.


a le corps a rame. Et quand tu t’abaisserais — pour avoir la femme qui s’est donnée à un autre — à le trahir, le tromper, à troubler la paix d’un ménage honnête, qu’aurais-tu en retour ? De misérables et furtifs larcins, rien de plus. Cela est méprisable, et tu ne le feras pas. »

Celle qui me parlait ainsi, ma conscience, avait raison. L’homme qui aime réellement une femme, a, plus qu’elle, peut-être, le souci de son honneur. Depuis cette fatale rencontre, je me suis répété cela vingt fois, pour m’encourager à la fuir. Mais, dois-je le dire à ma honte, d'avoir jamais tant souffert cette fois d'avoir des principes et de n’être pas né vicieux. J’ai pleuré sur ma vertu comme on pleure sur sa misère, et je n’ai pas été consolé.

Mardi 21. — Toute cette semaine a passé comme un songe désagréable. Je suis toujours blessé. Rien de plus douloureux et parfois de plus irritant que ce combat intérieur. Pauline, qui sans doute m’observe, m’a dit un mot frappant : « Si vous n’êtes pas heureux comme moi, c’est que vous n’avez pas la paix de l’âme. »

Mercredi 22. — Si languissant que je sois, et honteux de moi-même, j’ai essayé de retourner au cimetière. Là, on retrouve les graves pensées,