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MON JOURNAL.


vie nerveuse, de sensibilité délicate, intelligente, enfin la vie supérieure. La pensée a remplacé le rêve ; l’âme a pris des ailes, l’homme moderne, par elles affranchi, s’est approché de Dieu.

Pourquoi s’en éloignerait-il de nouveau et, cédant aux sollicitations de la nature, retournerait-il en arrière ?... Je sais bien que la bête n’est pas tout-à-fait morte, et que les heures troubles ne sont encore, hélas ! que trop fréquentes. Mais si la bête sommeille en nous, tâchons que ses réveils soient courts. Qui n’a à se rappeler ces lamentables lendemains où, épuisés de l’orgie de la veille sans avoir rencontré le plaisir réel, on traîne, misérables limaces, dégoûté à la fois des jouissances auxquelles on a trop donné, et de soi-même, et de tout.... Voilà les pensées philosophiques que l’on trouve en cheminant tout seul, sur les hauteurs de Ménilmontant.

Mercredi 15. — Je suis allé aujourd’hui faire mon journal au Père-Lachaise près de la tombe de mon ami, mon intention était de me rendre meilleur. J’avais emporté son précieux carnet qui ne me quitte guère. Je me disais en le feuilletant : « Puisse l’exemple de sa vertu m’être bon à quelque chose ! »

Au lieu d’écrire mon journal, je me suis mis à copier le sien, du moins une des pages où son