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MON JOURNAL.

Le temps était douteux, voilé, mais on sentait la douce chaleur du soleil à travers les nuages. Le rossignol chantait son idylle amoureuse et sa plainte, aux plus épais fourrés du jardin du roi. Rien de plus délicieux. Cette journée qui a fini trop tôt, marquera dans mes souvenirs. A sept heures, nous étions de retour. Une dame âgée, qui avait fait la route avec nous, a paru fort touchée des précautions avec lesquelles je l’aidais à descendre. Les vieilles, en France, ne sont pas gâtées.

Jamais, je crois, je n’avais senti, plus vivement qu’aujourd’hui, la force du mariage entre rhomme et la nature, mariage souvent inconscient, mais très réel et très fort. Les routes, les bois, dans ce beau jour de juin, regorgeaient de monde ; la joie était sur tous les visages. J’ai bien des fois remarqué l’avidité du peuple de Paris pour les fêtes champêtres. Il ressemble à l’enfant ; il prend tout avec passion, mais, comme lui aussi, il se lasse vile. Cette foule, partie le matin si joyeuse, rentrait chez elle sans presque dire un mot.

Vendredi 22. — Hier, Bodin est venu nous demander à dîner. Il est bien distrait de ses études. J’ai essayé de l’y ramener, et aussi, de le convaincre qu’il ne rencontrera jamais l’amour