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MON JOURNAL.


un si gros rhume que je tremblais de ne pouvoir faire la course. A six heures, j’entends frapper deux coups. C’est Poret !.... Je m’élance du lit, je cours à la fenêtre.... Déception ! C’était le jardinier de M. Vial. Me voilà tout refroidi par ce désappointement. A tort, puisque le rendez-vous avait été pris pour sept heures. L’ami est exact. Nous partons. Tout le long de la route, il me lit son Arion que je trouve fort beau. Rien n’excite I plus l’expansion que le roulement rapide de la voiture dans la gaieté du matin. Il semble qu’on aille la conquête d’un monde nouveau. Notre gondole, bien suspendue, nous a menés comme en rêve au terme du voyage. Théry qui nous attendait avenue de Saint-Cloud, très obligeamment, nous a offert le chocolat. Tout en le prenant, nous lui avons demandé, non sans quelque embarras, ce qu’il ne nous offrait pas, ses cahiers de philosophie. C’est un jeune homme fort estimable, le ton un peu didactique. Cela est remarquable surtout dans la tournure des phrases. Mis à l’aise par son obligeance, nous voilà jasant de tout, politique, philosophie, école normale, etc. Poret, peu à peu, s’engouait de Théry et moi, de notre vénérable mère à tous, la vieille Université. Sans en rien dire, je me repaissais de l’espoir prochain de lui appartenir par des liens plus étroits et plus durables.