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MON JOURNAL.


l'un à l'autre. Que dis-je étrangers ! Ennemis plutôt. La nature ne se charge pas de veiller au au bonheur des amants ; elle ne s’inquiète pas non plus des droits de la morale. Son seul souci est qu’on aime et que la vie continue. Elle nous prend pour ses auxiliaires, mais elle n’a garde de nous laisser notre libre arbitre. Elle ne le laisse pas non plus à l’Amour. Après avoir armé de pied en cap contre nous ce petit dieu malin et rieur, elle s’arme à son tour contre lui de défiance. S’il s’amusait à trier, à choisir sur sa route ; si tous n’étaient pas ses victimes, s’il y en avait d’épargnés !... Qu’il soit donc aveugle pour être cruel, qu’il tire à tort et à travers dans la mêlée humaine et que tous soient frappés. Si deux cœurs sont atteints à la fois du même trait, tant mieux, dit celle qui veille si âprement ; le courant de la vie n’en ira que plus rapide.... Ainsi, de la part de la nature, aucune moralité. Heureusement la conscience est là ; c’est en elle que son droit réclame. Celui qui sait l’entendre a droit à un retour sérieux, mais celui-là seulement. Pour ceux qui s’en moquent, et n’écoutent que l'appel du plaisir, — s’il ne leur reste après, que la déception amère et quelque peu le mépris de soi, c’est, en toute justice, ce qu’ils ont mérité. »

Jeudi 7. — Ma longue épitre à Lefebvre a ré-