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MON JOURNAL.


n'étais pas mort, mais seulement en léthargie. Je me suis échappé. » La maison où se passait celte scène avait quelque chose de magique. Comme nous en sortions, nous Voilà assaillis par une tempête de pluie et de grêle. Je veux prendre le bras de mon ami, je me retourne ; il n’y avait plus d’ami. Je le vois remonter et se perdre dans l’ouragan.

La persistance de ces apparitions nocturnes continue à me jeter dans un monde de pensées. Pourquoi nos morts nous reviennent-ils ainsi dans le sommeil, quand nous flottons nous-même entre deux mondes ? Serait-il donc vrai, que celui qui meurt çn pleine amitié, en plein amour, ne peut brusquement s’affranchir de l’âme attardée qui reste en arrière et souffre de son départ ? Et, ne semble-t-il pas qu’elle retienne à celle qui la devance, sa part la meilleure, la plus vivante ?

La Bible dit : « L’Amour est fort comme la mort ». Je crois qu’il serait mieux de dire : « l'Amour est plus fort que la mort. » Il garde jalousement le trésor qu’elle a voulu lui arracher.

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JUIN


Dimanche 3 — Lefebvre, malgré trop de sujets de distractions, nous reste pourtant fidèle et je lui en sais gré. Au demeurant, plus je l’observe et