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MON JOURNAL.


La France s’appauvrit. Poret, plus heureux que moi, a pu en être. Le petit discours de Benjamin Constant m’a pénétré. Ce sont bien là les paroles, les sentiments d’un cœur, d’une âme toute française. Quel profit il y aurait pour la jeunesse à vivre dans la société de pareils hommes ! Personne rie paraît songer que demain, nous entrerons à notre tour dans l’action, et que nous sommes déjà l’avenir. J’entends mes camarades, car pour moi, au train où vont les choses, je sens bien que je ne serai jamais qu’un pauvre répétiteur.

N’importe, travaillons quand même. Que cela serve ou non, il n’y a pas à compter. C’est le devoir. Je me dis aussi que c’est le seul moyen de combler le vide que je sens en moi et autour de moi. — Oublie donc y et pâlis sur les livres. — J’ai vécu cette semaine dans la Germania de Tacite et dans mes auteurs grecs. La tin de Phédon m’a fait pleurer. J’achève l’apologie de Socrate et m’enfonce avec une joie sauvage dans la solitude, l’abstinence absolue.

Jeudi 30. — Nous sommes allés, Poret et moi, nous inscrire à la Sorbonne pour ce misérable concours qui n’aura peut-être pour nous aucun résultat. Le jardin du Luxembourg était plein de


    l’appui du ministère, refusa de le suivre dans la réaction et devint le chef de l’opposition libérale.