sentiments, il semble que nous nous soyons interdit
d’en parler jamais. C’est peut-être un service
que me rend Poret. Son amitié m’est salutaire
en ce qu’au besoin, elle saurait gourmander
ma faiblesse. Il faut donc toujours remercier Dieu.
Poinsot sympathisait tellement avec moi, que sa
société ne pouvait, en ce sens, m’être utile. Parlant sans cesse ensemble de l’état de nos âmes,
nous ne nous quittions que plus agités. Soit que
nous parlions d’amitié ou de vertu, nous n’étions
pas plus tranquilles que si nous eussions parlé
d’amour. Cet état de l’âme était plein de poésie,
mais il avait son danger. Je ne puis cependant
m’empêcher de le regretter. Depuis que mon ami
est mort, il me semble que le monde a changé.
Dans les heures de fermeté, je me dis qu’il a
changé plutôt en mieux, que tout ce qui m’entoure,
la nature physique et morale, doit m’ôter
le regret des enchantements du passé ; et, qu’enfin,
il faut repartir. Mais à d’autres moments, il me
semble que je sacrifierais tout, pour un quart
d’heure passé avec lui ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le seul moyen de tirer un bon parti de mes lectures serait d’en faire des extraits raisonnes. J’ai souvent pensé à me donner, pour mon usage personnel, un petit traité de philosophie pratique, composé uniquement de pages détachées des auteurs anciens et de quelques paraboles de l’Évangile, celles