Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée
199
MON JOURNAL.


présageaient chaque fois de nouveaux malheurs. Rien de plus froid, d’ailleurs, lé peuple n’y comprenant rien. — J’ai voulu profiter de ces vacances pour aller voir mes anciens maîtres, et d’abord, M. Villemain. Il s’habillait pour courir précisément où je ne voulais pas aller. Je n’ai fait que l’entrevoir. Craignant de manquer aussi MM. Leclerc et Létendart, je me suis rabattu chez mon ours, bien sûr de le trouver au gîte. Lui, ne voulait pas sortir du tout. Une heure après, il s’est décidé. Que de choses ont été dites sous ces allées du bois de Vincennes, sur nos idées, car pour nos


    moment, à se marier. Il espère bien en expirer de> douleur, mais enfin il va épouser. Heureusement encore, la Providence s’en mêle et change tout. Cet oncle autoritaire, ce Crésus qui fait le malheur des amants, tombe en disgrâce, perd ses biens, est envoyé en exil. Pour Clémengis c’est aussi la ruine. Adieu la riche succession, adieu aussi le mariage ! Les parents de sa fiancée ne le connaissent plus. — Ernestine au contraire, avertie de ce double malheur, réalise le peu de bien qu’elle possède et l’envoie sous le couvert de l’anonyme à celui qui fut un moment son bienfaiteur. Il vit à la campagne, retiré, silencieux. Que dirait-il à celle que, riche, il n’a pas eu le courage de préférer à la fortune ? Le chagrin, l’isolement, deux mauvais compagnons pour une âme malade, ruinent sa santé. Bientôt, sa vie même est en péril. Ernestine l’apprend. Adieu cette fois, la sagesse adieu la prudence ! Elle vole s’établir au chevet du lit du mourant. Est-il nécessaire de dire le miracle qui se fait par l’amour et le dénouement ?... Bien que le style ait vieilli en quelques endroits, M. Villemain avait raison : c’est bien un petit bijou. Michelet aussi avait raison de prendre là l’idéal de son roman. Nous offrons cette pensée de la vingtième année à la jeunesse contemporaine ; il y aura profit pour elle à s’y arrêter.

    Mme J. M.