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MON JOURNAL.


à peu près celui d’Ernestine : aimer, adopter, respecter [1].

  1. Ce roman, de Mme Riccoboni est une simple et touchante histoire. Ernestine, devenue orpheline presque en bas âge encore, est adoptée par un ménage d’artistes. Le mari, peintre en miniature, apprend son art à l’enfant comme un métier afin que, plus tard, elle puisse s’en servir et gagner sa vie honorablement. Bientôt, l’élève dépasse les espérances du maître qui ne pense qu’à la faire valoir près de ses clients. Ernestine a grandi. La jeune fille apparaît, aussi belle que modeste. Un jour qu’elle est seule dans l’atelier, occupée à revoir les ornements d’une miniature que son père adoptif a faite au dehors, un étranger, un officier entre à l’improviste. Il se nomme : « Le marquis de Clémengis ». Ce portrait, c’est le sien. Ernestine, toute à son art, après avoir reconnu, en effet, dans le marquis l’original de la miniature, se met à examiner, sans faux embarras, si la ressemblance est fidèle. Ses yeux se portent alternativement sur le modèle et sur l’ivoire qui en reproduit les traits. On devine aisément ce qui arrive. Avant la lin de la séance, voilà un homme épris. Pour avoir l’occasion de revenir, il trouve mille défauts à corriger. Ernestine, sans arrière-pensée, une si grande distance de position et de fortune les sépare, s’abandonne à la douce habitude de voir à peu prés régulièrement son modèle. — Mais un matin, le cœur de la pauvre enfant brutalement l’avertit Aimée sans le savoir, elle aime à son tour. La voilà en péril Que tera Clémengis ? car il ne peut épouser. Un oncle fort riche, âgé, lui laisse toute sa fortune, mais à une condition, c’est qu’il ne prendra en mariage qu’une femme de son choix. Or, ce choix imposé est déjà l’ait. Clémengis a consenti. Il n’est donc plus libre. Quelle sera sa conduite à l’égard de la jeune fille ? Son honneur de gentilhomme lui commande de respecter l’innocence, lui interdit de la troubler par des paroles indiscrètes. Il se taira donc. Mais rien ne lui défend de venir en aide à la jeune artiste sans qu’elle le sache. Au moment même où un ordre supérieur le rappelle à l’armée, le père adoptif d’Ernestine meurt. C’est pour elle, peut-être, le retour prochain à la pauvreté. Clémengis s’arrange pour que cela ne soit pas. Il s’entend secrètement avec la veuve, lui laisse une somme importante qui mettra le sort des deux femmes à l’abri de tout revers. Là-dessus il part rassuré, car il ignore que Mme D... est vaniteuse et légère. Dès qu’elle