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MON JOURNAL.


me remuent. Si j’avais de l’argent, il y en a deux que j’achèterais : Félicia, une jeune femme déliant les souliers d’un vieillard, et The last request [1]. Riche, je ne tiendrais pas à avoir un grand nombre de tableaux, mais seulement quelques œuvres de maîtres, de celles qui mettent les idées en mouvement ou nous aident à creuser celles qui sont déjà nées.

Mercredi 17. — Je lisais ce malin une lettre de Descartes où il semble n’avoir ni le sens de l’humanité, ni celui de la nature. Cette lettre est adressée d’Amsterdam à Balzac (13 mai 1631). « Je vais, dit-il, me promener tous les jours parmi la confusion d’un grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous sauriez faire dans vos allées ; et je n’y considère pas autrement les hommes que j’y vois, que je ferais les arbres qui se rencontrent dans vos forêts ou les animaux qui y paissent. »

Voilà un dédain bien singulier. Mais alors à quoi se rattache-t-il ? Dans le passé, on voit que les différentes périodes parcourues par un même peuple, ont exercé leur influence sur les pensées des grands esprits qui sont restés pour l’humanité les représentants de ses diverses époques. Ainsi, dans l’antiquité classique où la vie supérieure était

  1. La dernière prière.