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MON JOURNAL.

Je ne puis me renfermer, me murer. Nos conversations interminables avec Poinsot avaient cela de précieux qu’elles donnaient le change à d’autres sentiments que, pour mon repos, je voudrais ne plus retrouver.

Dans cet état d’isolement, je dois être d’autant plus attentif à choisir les lectures qui sont ma récréation. Les livres peuvent être pour nos maux une sorte de traitement. Il faut qu’il soit varié. On ne peut viser toujours au sublime et tendre de grandes ailes pour retomber tout à plat, piteusement. Le courant habituel de la vie se compose, à l’ordinaire, de mille riens plutôt vulgaires qui rapetisseraient l’esprit, le sécheraient, si on ne lui donnait, à la fin de la journée, une lecture qui soit pour lui, ce qu’est le bain pour le corps, un rafraîchissement. La pensée fatiguée des labeurs du jour, reprendrait ainsi l’élasticité, la souplesse et, pour le réveil, de nouvelles énergies. Une chose encore me profiterait. Ce serait d’avoir le temps de regarder sur ma route les vieilles gravures. On trouve à les analyser, plus d’un enseignement fécond. Quand j’ai quelques heures de liberté, j’aime à descendre les boulevards, delà Bastille à lu Madeleine, sans autre but que de m’arrêter devant les boutiques des marchands d’estampes. Tout enfant, je faisais cela déjà, en allant de la rue de Bondy à la pension Mélot. Les gravures anglaises