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MON JOURNAL.


léger frisson sans vouloir y prendre garde. Le soir, une fièvre violente me saisissait. Heureusement, c’était hier la fête du proviseur, ce qui donnait aux élèves un jour de congé. J’ai donc pu me dorloter un peu, chose pour moi si rare ! Dans l’après-midi, pour oublier mon mal, j’ai versifié, en latin, l’ode de Philomèle de La Fontaine.

MM. Fourcy, de Pry, Bodin, sont venus me voir. Le vent est à la politique. On n’a guère parlé d’autre chose. L’enthousiasme des jeunes gens est tel, la lecture des journaux si suivie, que les bibliothécaires sont astreints à une exactitude rigoureuse. Je plains M. Fourcy d’être si surveillé.

Mercredi 28. — Ce matin, j’ai eu bien de la peine à me traîner jusqu’à mes leçons. — Le grand air m’étourdissait. J’ai pourtant dû aller contrôler l’estimation qu’on a faite des livres de mon pauvre ami. Je les ai trouvés épars dans un grenier. Rien de plus triste que devoir partir ainsi noire âme, nos livres, ces amis qui nous ont formés ou soutenus, encouragés, préservés grandis !... Quand je regarde les trois ou quatre planches de bois blanc qui composent toute ma bibliothèque, je souffre de n’avoir pas encore les moyens de m’acheter une belle armoire vitrée où enfermerai cette centaine de volumes avec le