à sa sœur de revenir faire la veillée. Le soir à sept
heures, comme j’allais partir, étant presque encore
à jeun, je me sentis pris de vertige et d un tel malaise
que je priai mon père de me donner l'appui
de son bras. Il désirait lui-même lui dire adieu ;
ensuite, il voulut rester aussi. Pendant la première
moitié de cette nuit funèbre, mes idées se
succédèrent avec une extrême lenteur. Le physique
était si accablé, le ressort moral si brisé
par la commotion du matin, que, contre mon attente,
je souffris moins d’abord de ma douleur.
A minuit, son père entra pour prendre notre
place, ce que je refusai comme il était juste.
Avant de se retirer il leva le drap qui recouvrait
la face, et, tous trois, nous regardâmes. Le visage
était, dans la mort, d’une éclatante beauté. La
peau, plus pâle qu’elle n’avait jamais été, en contraste
avec les cheveux noirs, faisait une opposition
si forte que, sans le calme et l’angélique
douceur des traits, cette beauté eût eu quelque
chose d’effrayant.
Lorsque je me retrouvai seul avec mon père, j’essayai de sortir de ma torpeur. Un crucifix, un vase plein d’eau bénite, avaient été placés sur sa poitrine et, devant les rideaux que le père avait refermés, brûlait un cierge. Cet appareil lugubre mêlait je ne sais quelle horreur à mon affliction. Ce qui m’achevait, c’est que ce pauvre corps, si