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MON JOURNAL.


FÉVRIER


Jeudi 1er — Je m’étais arrangé ce matin pour aller passer la plus grande partie de la journée avec Poinsot. J’étais assiégé de mille tourments à propos des sangsues qu’on venait de lui appliquer, sur l’ordonnance du docteur Fouquet. Tirer du sang à qui n’a plus que le souffle, me semblait un meurtre Mon inquiétude était telle, qu’arrivé rue d’Angoulême, je me suis mis à courir. II allait mieux et m’a demandé de lui lire Monsieur Botte pour le distraire. Mais il en a eu bientôt assez. « Il y a autre chose que je voudrais bien lire avec toi, m’a-t-il dit assez vivement, c’est ton journal. Que de choses pour nous régaler ensemble quand je serai guéri ! » Hélas ! le verra-t-il jamais ?.... Fatal hiver !

Dimanche 11. — Encore huit jours d’effacés. Je n’ai pu rentrer seul un instant en moi. Hors de lui ce qui m’arrive ne laisse aucune trace. Il est fort mal. Quand je songe à la grandeur de cette perte, il me semble qu’en donnant tout, je ne lui donne pas encore assez ; que mon amitié ardente est au-dessous de ce qu’il mérite. J’y suis allé ce matin, j’y retournerai ce soir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .