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MON JOURNAL.


dans sa grande bergère et fort entouré, choyé, j’ai voulu m’arracher à moi-même. Je suis allé chez M. Leclerc, moins médisant qu’à l’ordinaire. Il m’a découragé de traduire Thucydide. Après lui, j’ai vu M. Létendart. Celui-ci m’a fait mille contes sur la vieille Université. J’ai tout écouté patiemment, parce qu’à travers son bavardage je ressaisissais l’espoir, tant de fois déçu, de voir la nouvelle Université mettre toutes les places au concours, et cela, très prochainement. Ce serait peut-être enfin, pour Poret et moi, le moyen de sortir de l’impasse où nous étouffons.

En revenant, j’ai sauvé un chien qui se noyait. Le pauvre animal avait été jeté du haut du pont. Il faisait de vains efforts pour remonter la berge très glissante et pleurait lamentablement. Je l’ai saisi et attiré, au risque de me noyer moi-même. Si je n’avais déjà Zémire, j’aurais adopté ce malheureux caniche. Je l’ai pris du moins avec moi pour le sécher devant un bon feu et le réconforter. Mlle Rousseau se chargera bien de lui trouver le bon maître que son regard si humain semble implorer.

Mardi 23. — Poinsot, grâce à Dieu, se relève. Sa famille le soigne si bien que je lui suis beaucoup moins nécessaire. Retournons donc à notre seul refuge, notre seule consolation, le travail.