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MON JOURNAL.


baisse ou se relève, je m’abats ou me remonte. Ma vie est tellement suspendue à la sienne, que, si son cœur cessait tout à coup de battre, je crois que le mien, à la même seconde, s’arrêterait aussi. Notre unité est si forte, si complète, que l'angoisse me saisit et je sens que j’étouffe quand je le retrouve plus oppressé, ne respirant qu’avec effort. Heureusement, son regard, à ces moments, n’interroge pas mon visage. Il serait trop averti de la gravité de son état par l’altération de mes traits.

Il faut maintenant que, pour le distraire, je lui fasse la lecture. Parler le fatiguerait trop. Aujourd’hui, il ne voulait que dormir. Sa pauvre main toute moite des sueurs de la fièvre, par moments cherchait la mienne. Mais bientôt il retombait dans la même prostration.

Dimanche 21. — Ce matin on est venu m’apprendre que mon pauvre malade s’était brusquement décidé à revenir chez sa mère. J’en ai éprouvé une grande joie. Ce sera peut-être encore le salut. — Son frère m’a dit : « II nous est arrivé hier soir à l’improviste, et plein d’espoir». Le 11, il m’avait donné ses papiers pour lui prendre une inscription !... Je remercie Dieu de le tenir dans cette ignorance. Ce serait par trop cruel de se voir mourir à vingt ans.

Après l’avoir trouvé bien doucement installé