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MON JOURNAL.

Dimanche 14. — Je me suis décidé à rendre visite à M. Andrieux, de plus en plus triste. Il m’a reçu très froidement.

En rentrant, je trouve toute la famille Fourcy qui venait nous demander à diner. Nouvelle contrariété. Jamais je ne fus plus maussade. Voilà une semaine décidément mauvaise. Au milieu des rires de nos convives, une chose me revenait péniblement. Je m’étais bien promis, à l’occasion du nouvel an, de reconnaître toutes les bontés que ma marraine et Mlle Rousseau ont pour mon père. Je n’ai pu m’en tenir qu’à l’intention. Maudit argent ! Le pis, c’est qu’elles m’auront cru indifférent ou avare. L’un ne vaudrait pas mieux que l’autre. J’aurais dû m’en expliquer avec ma marraine, plutôt que de paraître ingrat.

Trop d’amour-propre ! c’est encore là un de ses mauvais tours. Qu’importe, en effet, d’être pauvre d’argent, si l’on est riche de cœur et de reconnaissance. C’est ce dernier sentiment qu’il eût fallu savoir exprimer.

Mardi 16. — Ayant à moi, par hasard, mon après-midi, j’avais décidé avec Mme Rousseau que nous nous retrouverions à Saint-Louis. Bien que les Rois soient déjà loin, nous voulions donner à Poinsot cette petite fête d’aller les tirer avec lui. Il a eu des éclairs de gaieté, mais, hélas ! il est bien