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MON JOURNAL.


dot.... Et qui suis-je moi-même, pour prétendre à une héritière ? Qu'aurais-je à lui donner en retour de sa fortune ?... Cette inégalité serait bientôt une cause de désunion, car elle ne pourrait oublier que tout lui appartient, ni s’empêcher de me le faire sentir, si je ne cédais pas assez tôt à ses caprices. En pareil cas, se marier c’est se diminuer. Tout ce qu’on accorde est considéré comme chose due, et, pour tout dire d’un mot, on n’est jamais que le mari de la reine.

Lundi 26. — Mon malade va un peu mieux. Je suis toujours surpris de ces brusques variations. En le voyant aller et venir tantôt dans sa chambre, insensiblement l’espoir me revenait. Et lui, qui cherche toujours à lire mes pensées sur l’expression de mon visage, semblait puiser des forces dans ma sérénité. Frambois est arrivé, je les ai laissés ensemble et je suis allé chez M. Leclerc lui demander quelle serait la marche à suivre pour obtenir des livres dans les bibliothèques publiques. J’ai pris, selon mon habitude, le plus long chemin, celui du Jardin des Plantes. Et pourtant, cet air ne vaut rien pour moi.

Jeudi 29. — Nouvelle rechute. Je viens de le voir ; je l’ai quitté le cœur navré. Rien ne peut rendre l’expression de ce long et pénétrant regard