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MON JOURNAL.


que j’allais entrer dans les ordres et que je me chargerais du soin de sa conscience. Nous rirons bien, lorsqu’il sera guéri, car je ne puis croire à la mort pour ceux que j’aime. A quelque heure d’ailleurs que Dieu l’appelle, le pauvre enfant n’a certes rien à craindre. La maxime du vicaire Savoyard a été surtout par lui, constamment mise en pratique [1].

Dimanche, jour de Noël. — Je ne me suis pas senti assez maître de moi pour l’aller voir aujourd’hui. J’ai envoyé à ma place ma marraine et Pauline. La gaieté de celle-ci le distraira. Pendant que j’étais seul, j’ai pris la plume pour écrire à mes tantes de Renwez et les bien mettre au vrai point de vue, sur ma situation matérielle. Rien ne ressemble moins à une lettre. C’est trop écrit. 11 n’y a qu’une chose de bonne dans cette trop longue épître, c’est que tout le monde ici, est placé à sa valeur. J’ai fait sentir là-bas, que pauvreté n’est pas vice. On a beau me prêcher pour me mettre en goût d’une femme riche, c’est peine perdue ; je n’y mordrai pas. Si j’hésite au mariage, l’obstacle n’est pas dans l’absence d’une

  1. « Je sens Dieu dans la simplicité de mon cœur ; je ne cherche à savoir que ce qui importe à ma conduite.... Le culte essentiel est celui du cœur. Dieu n’en rejette point l’hommage quand il est sincère, sous quelque forme qu’il lui soit offert. » (Émile, liv. IV.)