voir autorité sur lui. Il n’y a qu’avec Poinsot que je me laisse voir tel que je suis. A quoi servirait d’ailleurs de me dérober ? On dit, que Dieu pénétrant au moment même, nos pensées les plus secrètes,
il serait bien inutile de chercher à nous en
cacher. J’en dirai autant de mon ami. Il me semble
toujours qu’il me sait tout entier avant même que
je n’aie rien dit. Nous sommes une même personne,
une même âme. Je suis allé le voir tantôt
un instant. Hélas ! le mieux que j’avais constaté
jeudi dernier ne s’est pas maintenu. Le temps, ce
jour-là, était superbe, ce qui influe toujours en
bien sur sa santé. Je l’avais trouvé sur pied et
beaucoup plus gai que d’habitude. Le soleil, son
entrain, le vif plaisir que nous avions de nous
retrouver et de reprendre nos longs entretiens,
tout me rappelait Bicêtre. J’avais de la peine à
croire que l’avenir fût désormais si incertain. Il a
suffi de quarante-huit heures pour tout changer. Il
ne pouvait se tenir debout, et l’altération de ses
traits était effrayante. Pour le ranimer, je lui ai
promis de venir travailler à sa table.
Si son âme eût été moins abattue par l’affaiblissement du corps, je lui aurais parlé philosophie pour le fortifier. Mais il était sans force de réaction, rien de plus douloureux !... Où est le temps où je pensais m’en aller avant lui et lui portais mon testament ? Où sont les années de